RELIEFS (extrait)




Ce recueil regroupe l'essentiel de plus de dix années de poèmes épars écrits en parallèle à des travaux thématiques.
Reliefs, c'est alors ce qui reste, mais aussi, peut-être, des concrétions ou saillies de sens au croisement du langage et du monde.
Les textes qui suivent datent de 2001-4.


En allant mettre les lettres à la boîte, ce qui m’a frappée, c’est que les exigences
les plus excessives semblent toujours se rapporter à des négligences dans des zones
de vie non vécues, que l’on ne peut pas forcément réparer en rattrapant tout simplement
le temps perdu. Ce qui est passé est passé : plus nous vieillissons, plus nous apprenons
à respecter et à craindre le caractère inexorable du temps.

(Christa Wolf)



[…]


Voilà le camarade assis,
trois jours d’attente pirate,
balançoire et le mur
n’attend plus ceux qui se faufilent,
vent, vengeance,
vous criez, pour ce que ça sert.
Voici le camarade assis,
ronde tristesse,
et le vent fait comme un coussin,
de ta tête tu roules des idées,
sur la colline à deux bosses,
chameau alors.
Voici le camarade assis,
celui qui se lève est déjà mort,
retour chariot,
je passais par là,
hasard sous le ciel gris
en déroute pour ailleurs.

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Croisé, entre le feu, vert et le feu arbre
que cela me ressemble
entre les portes du wagon —
ça branle du chef
et d’ailleurs
tu n’étais pas là,
assis sur mes godasses
étroites
voies de ton corps,
ou simplement déshabillée
genoux vacarme —
ça défile le monde,
déroule un éclair
des pierres grisées
comme la bobine
d’un film sous-exposé. Noir.

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Dans l'eau commencer
à descendre
vertical,
comme un pieu qu'on enfonce,
fiche dans la terre,
sous l'eau,
lacustre,
et je s'efface,
dans l'air qui manque,
raréfaction (stupéfait),
jusqu'à ce que le rouge sous mes paupières qui battent
le sang se mélange au rythme noir des profondeurs —
alors je me réveille du texte.

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La Côte
Autant d'arbres que d'inutiles destins (liège), dans le maquis parfumé piquant, on croise des chiens noirs et pelés qui pissent sur la terre sèche, on ne croise aucun paysan, et la saison des olives ne fait plus bander personne, de Cannes à St-Tropez, la côte est encombrée de déchets, et les humains sont les ridicules appendices de leurs téléphones, "circulez, y'a rien à voir", c'est qu'il est difficile de circuler aussi, alors on reste sur place, et on achète tout simplement plus cher qu'ailleurs.

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Le froid entre par la porte.
La chaleur aussi.
Bonnes et mauvaises nouvelles franchissent l'huis, d'une indifférence salutaire.
Ce n'est pas ce qui compte.
C'est la porte, objective ouverture, c'est comme cela qu'on est né, qu'on se souhaite — cerveau plastique.

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Attendre,
attendre à attendre,
l'air qui machine le chaud,
moud, molécule-distribution,
en marchant, on fend quelque chose,
en soi
comme sentir d'où l'on vient,
né,
passant alors d'un espace à un autre en continu jusqu'à ce que ça s'arrête — mort.

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D'un oiseau mort, faire un texte, je suis sensible, imprimé à ça, alors que je vis, comment faire mieux? l'oeil ouvert, aussi quand c'est fini, l'espace s'ouvre, de temps en temps, à des mots, mes mots impossibles, le dernier envol et on ira se coucher : voie brute, vers l'infini, tendu au pire, des lumières rauques et quelque chose d'attendu, en toute forme, on recommence.

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Vaincu, dans la glace, plus froid que moi, pris, le temps ne s'écoule plus, pour ce qui est d'attendre et d'ennuis, s'y reconnaître, las — et cette autre vie où la trouve-t-on déjà? là où règne la paix et la joie, tu sais, comme dans les livres…

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C'est là que je suis obscur et vainqueur,
confiné à la division du MOI,
en lettres binaires (O, I), cellules de semence, petits paquets d'ego, passés au tamis d'espaces grandiloquents et du temps-tiroirs.

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Et j'aurai consacré une bonne partie de ma vie aux livres, ces choses bizarres, figures de deux mondes, qui tiennent dans la main, des vies et des pensées, en éclairage indirect.

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Don Q arrive, te heurter, te pousser dans tes derniers retranchements, de l'expression, sur la crête, des dizaines, blanches, géantes, hélices à 30 mètres, et 3 pales, qui se débattent, presque t'attaquent, éoliennes, anarchiquement, dans un bruit de vent cinglé, don Q arrive, en piquer quelques-unes, sans effet, de la lance, et battre en retraite immédiate, brisée, contre ces monstres énergétiques.

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tirage
Rouleau-vague
mes mots encrés
à même la pâte d'écume
lettres-algues filaments plombés
suites et promesses de sens au sable muet
retombent — glissent dans une machination de rêve
en millions d'exemplaires sur papier sel distribués chaque jour
aux yeux virides des mers et océans de nos mondes assourdis.

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En moi-même cheval,
de la race héritée en haut des collines,
aux flancs bruns (chaleur équestre),
les mouches m'aiment,
zigzag-tremblement et éclair-pensée,
pour désarçonner les hommes quotidiens
qui m'humilient par leur fer et leur chair,
hennir au galop contre un mur,
les écraser de vitesse,
avant qu'ils ne réinventent l'automobile-qui-pue.

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suite silence, ici à attendre — va
mais où? ici-bas
ruine grise, morceau de terre
roule dans la main ta poussière,
marchesurlaligneenéquilibreinstable

et de sauter sur place ne fait pas plus de trous
et de sauter dans le trou ne fait pas plus de place

être à la forêt comme au silence
pris dans les ombres
aiguilles
la lumière fond sur toi et te cache
la lumière n'en est pas, on te suit

et de sauter sur place ne fait pas plus de trous
et de sauter dans le trou ne fait pas plus de place

dans les câbles de la ville tout parle
ne me dit rien
je vis dans le temps présent
demain viendra bien et j'ai perdu hier,
je sors acheter le magasin est ouvert 24 heures

et de sauter sur place ne fait pas plus de trous
et de sauter dans le trou ne fait pas plus de place

du vent devant, du vent derrière
les poumons comme des voiles
et les pieds qui divaguent
c'est ainsi
que je me rêve

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s'asseoir invente,
attendant quelque chose
le coeur rongé de propos
abstraits
la lumière ne me rappelle
plus à rien

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Automne, cette fois
depuis longtemps
une année peut-être
de lettres mortes,
à attendre ses feuillets,
ne pas dissiper le brouillard,
garder ce couvercle d'incertitude
hésitations
qui me protègent aussi,
ou plutôt si,
d'un geste lent,
en fin de journée
ou de midi
dissipe —
un soleil doux et trouble comme du mou au fond d'un verre.

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Nuit
Je passe le soleil au mixer
et bois tout d'un grand coup de gosier
qui claque comme un interrupteur qu'on éteint.

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Ça tire en moi, les fils de l'ancre, ça remue, clapote, oscille, on n'a aucune direction, pont et ossature, tordus sous les coups du vent-système, gémissements, râles, on fait de l'eau qui entre par la cale, brèches en moi, arrache la coque, je croyais me libérer, en revenant à mon port d'attache, j'avais tout échafaudé, il est vrai, sur ce bout de terre informe où j'avais échoué, une plage couverte de nuages noirs, d'algues putrides et les larmes aux yeux qui refusaient décidément de tomber, alors j'organiserai tout depuis le bateau, car c'est de là qu'on voit mieux la mer et partirai un jour en silence.

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A peine la fumée blanche sort-elle du tuyau d'aluminium dressé sur le toit
qu'elle est jetée
à bas
en tous
sens
par la bise
projetée
plaquée contre
des masses
d'air
polaire
plus froides qu'elle
est divisée
arrachée
refoulée
et la question est alors de savoir où chemine cette fumée lorsqu'elle n'est plus visible (ses molécules doivent aussi avoir une odeur).

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Après coup
On se demande si le raide bonhomme qui s'y est mis n'attend pas la rédemption de cet acte-là. Et comme je m'explique à sa place, on me fait revenir à ses moutonnements — attendre, attendre que la neige du ciel remplisse mes poches, et la nuit est toujours bien meilleure là-dessus qu'ailleurs.

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Lit
vide
à mon côté
ton absence n'a plus de forme
qu'une injustice
perpétuée.

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Honte vaincue,
avec tous les sentiments qu'on trimballe en soi,
celui-là je le laisse,
et prends la sortie de face,
plein-champ-poésie
— là où les vitres éclatent
sous les mots argentiques qu'on lance comme des pierres dans l'eau du hasard et qui ouvrent ces espaces mouvants dans lesquels on ne se déplace pas sans tituber,
— là où la vie mord comme pour de vrai et les blessures font des pages couleur sang qu'on tourne avec la langue,
— là où la mort est depuis longtemps sur nos traces et indubitable nous rattrapera.

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A l'invisible, tenu,
par les fils qui se croisent
membres
la radio démontée
d'un adolescent incapable de réparer,
(à suivre)
de cuivre,
on se recomposera
plus tard,
comme on peut,
résistance
en texte,
par des mots fractionnés,
au-delà des frontières sales,
crépitements
brouillages
(ondes)
je.

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Boule aigre à passer chaque jour par différents trous, convenu, vaticine en vain, tête à viande et le trottoir te frappe à la face, animal, tournant le dos à chaque soleil, léchant ton ombre, contorsions vers l'obéissance, caresses, le rituel de la vaisselle, impôts de satan, versements, fractures, et le miracle — c'est quand dans la rue toutes les femmes sont belles.

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Quel printemps? pour quels poètes? (résistance?)
A quelle ligne se tenir? C'est déjà qu'on est seul. A ramener sa fraise. Par-delà l'absurde commercial. De ces concours imaginés. Après la défaite programmée. On n'en renouvelle que les termes, la date. Comme une gueule de bois. Sans ivresse. Ou alors, l'ivresse des pages données. On pense qu'ils n'ont pas su les lire. Et si on le pensait vraiment, on ne les aurait pas données. C'est qu'on était distrait. Distrait de la vie ronron. Il est impossible de se juger soi-même. Et on n'ose plus parler. On attend. De la pire patience. Un bain d'amer. On t'avait dit de ne pas avaler tes larmes. Sombre idiot. Quand la force me reviendra. Ils verront. Ça s'est déjà vu d'ailleurs. L'hommage posthume. Peut-être une plaque à ton nom. T'imagines? Et puis, fais-le pour toi. Pour le bruit que ça fait dans le cerveau. Et les poumons, quand ça sort. C'est ça. C'est la vie. Je ne m'y retrouve plus. J'y retourne. Les mots à plein pots. L'autoroute derrière. Qui bat le rythme. Solo !

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Bribes
C'était l'exacte quantité d'air qu'un enfant à la course déplace.
Il lisait comme on nage, avec lenteur et application.
La lame de son corps luisit en traversant l'eau.

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Souffle, cela est moi, flou, trahi de n'être pas rasé, je manque à l'arrêt, pris dans la phrase, au terminus, il descend comme si la nuit était là, les papiers volent, je lis "Palesti", je sais à quoi m'en tenir, monte sous le vent, comme un bateau qui avancerait de partout, c'est une poésie qui revient, mes pieds retiennent le goudron, les mains ailleurs, j'invente une autoroute bleue, pour m'y coucher, et soudain le terrain vague pousse devant moi, franchis la palissade, de bois tordu, j'entends que j'emporte un livre avec moi, là-bas, je manque à l'arrêt, il n'y a pas de retour, ce sera vraiment la nuit, bientôt, la densité se désagrège, attention aux pas neutres, ça y est, c'est la nuit mate, qui entre avec le reste, les concerts de l'invisible, et le silence de l'invisible, on ne s'épargne plus, on s'éparpille sur le terrain, une fois une jambe, une fois un pied, l'autre, un bras, la tête et un doigt, bute sur du métal, du métal et du plastique, du plastique dur et du plastique mou, polyuréthane, un trou plus noir que la nuit, il appelle, je crie un nom de femme, je descends, au fond, sans réponse, la faim l'aura fait sortir, sortir du trou, du trou noir, brillant, sur la nuit mate, noire mate, sans objet, la pente accélère, et quand on pense à ses mains, qu'on aura besoin de ses mains pour avancer, de ses mains noires brillantes, qu'on verra à peine devant soi, devant moi, je les sentirai, pour avancer à genoux et à tâtons, quand donc on croit qu'on en aura besoin pour creuser plus avant, on est arrivé, on arrive sur le plat, en face d'un feu, qui est fini, en face de braises rouges, qui délimitent un cercle gris, de cailloux, concassés, de graviers et de poussières.

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Dame rouge
tu
coules
sans autre
poids
que tricher avec toi-même.

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Je suis enfermé en moi, derrière mes yeux, dans ma tête, sous la peau, je frémis, me promène nu, dans cet espace clos, commence quelque chose, comme une note appuyée, une insistance, le pouls, pas plus que le pouls souvent, et de la régularité répétée, tire des bouts d'histoire, interrompue par un congénère que je croise (les objets sont avec moi, dedans) et j'ouvre alors partiellement les écoutilles, pour un contact fugace, et lorsque je me retrouve, derrière mes yeux vides, il reste l'écho de l'autre en moi, ce n'est pas toujours agréable, ça remue, fait des vagues, dérange le plan, comme un caillou dans l'eau, il faut un moment pour retrouver une stabilité, ça appelle aussi d'autres fils, récits, qu'on intègrera, et j'avance derrière ce masque que certains reconnaissent, de toujours plus loin.

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Soudure à l'entame, un mois à la redresse, vacances-prison, tu vois plus loin que moi, le monde ne tourne plus, je tiens au lit, tête blanche, du plomb dans le dos, c'est de la cervelle que je traîne sous les pieds, les progrès viennent de l'arrière et le froid de partout, le réfrigérateur est vide et je bois de la bière belge, ma fille rencontre des sangliers, des biches et me demande ce que je fais — je suis bien en peine…

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Se levant, l'automne assombrit l'air et me retranche du monde, assigné à la maison de moi-même, au fond de quelque chose qui s'écrit bien — la mélancolie des heures fauves, la fumée du thé, une rage impuissante, le crépuscule de mourir, la lumière électrique, l'ivresse et la moisissure, un canapé marron, et bouger là-dedans a l'humidité du vivre et du dégoût.

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Rupture
Bascule de vent, le théâtre fourmille de
mots vides, les engrenages ne
laissent rien à penser, pesée sur l'eau, la rivière remonte son cours
et au-delà
trou au milieu du ventre
au-delà de l'échec (nous ne vieillirons pas ensemble)
une sorte de liberté
teintée d'euphorie
parfois point.

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Qui ne sais qui je suis.
Qui ai oublié mon nom.
Qui crus que le faire parlerait à ma place.
Qui ne me reconnais dans aucune de ses représentations, ni dans leur ensemble.
Qui doute au-delà du raisonnable critique.
Qui ne se vois pas d'avenir, que le présent prolongé.
Qui ne regrette pas le passé.
Qui est fait de 4.1013 morceaux, qui ne demeurent pas en place, qui tirent en 4.1013 directions.
Qui ne ris plus.
(moi?)

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Creuser le faux plafond, pour trouver, derrière le faux plafond, que je creuse, avec mes yeux, fouille avec ma langue, gratte, me glisse par les interstices du faux plafond, que j'arrache, le faux plafond, avec la bouche, dans un cri, le faux plafond, pour retrouver, derrière ce faux plafond, ce qui me semble avoir été perdu, depuis longtemps, du faux plafond, découpé avec les dents, plâtre, sagex et au-delà de ce faux plafond, blanc, surface de plâtre, de polyuréthane expansé, ou de tout autre matériau, composant le faux plafond, blanc, comme inscrit dans le faux plafond, bien qu'il faille passer derrière ce faux plafond, pour trouver, retrouver, comme j'enlève tout ce qui gêne, empêche, obstrue, trouver, derrière le faux plafond, donc, retrouver derrière ce faux plafond le vrai moi.

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Ciel gris, abat-ciel, masque, boulevard blindé, fuite, à l'horizon, l'eau, vient, horizontale, d'un geste de la main,
désert de limaille, j'ai
oppression, j'ai
noir sous la paupière, j'ai
vitres au loin, j'ai
rigueur, j'ai
vomir, j'ai
loin derrière, j'ai
paix et les oiseaux, j'ai pas
icône grandissant, j'ai
souffle muet et râle rauque, j'ai
vie bruissante, j'ai
ennui, j'ai
solitude manquée, j'ai
vidange, j'ai pas
ruines etcetera, j'ai

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Première, deuxième,
entre classes, cinq degrés,
entre classes, de différence, il y a cinq degrés,
cinq degrés, d'un wagon à l'autre,
pas les marches, qui séparent,
un niveau,
de l'autre,
pas la distance qui sépare les classes,
pas les salles de classes,
pas les pas,
dans les wagons, les classes,
cinq degrés celcius, la température,
il fait,
niveau température,
dans le train moins chaud,
que dehors,
plus de 35°,
juste,
première, deuxième,
5° de distance d'une classe sociale à l'autre

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mon emploi du temps 2003

lundi

mardi

jeudi

avril

1999

table

coca cola

chicco d'oro

JVC

fuite

lufthansa

migros

lutte

opel

visa

évian

nestlé

nivéa

conforama

mcdonald

sexe

sony

soin

t.hilfiger

gm

alusuisse

animal

moulinex

nike

valium

shell

microsoft

vyborova

livre

dassault

rayban


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(franco) (morto) (visto sull'erba) (beltrametti un viaggio appaiato) (morto) (la montagna è tibet sopra svizzerra) (morto) (allunga il passo) (leggero) (stella rossa) (rosso d'un qualunque canto) (morto) (beat out of usa) (franco beltrametti) (morto) (ancora metti) (arco) (atti) (a ti) (vivo)

(............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) (............) franco

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viande-les-morceaux, sur morceaux, balcons alignés, une banlieue, c'est la banlieue des gens pauvres, la banlieue où le frigo est au milieu du salon, la viande dans le cerveau, la viande sur le balcon supendue, pend, la viande pendue, vicères, cerveau, la viande de la soeur, sur le balcon, sèche, pend, découpée-sciée, la viande en morceaux, lanières qui pendent du balcon, portées, signes, sur le balcon pauvre, des gens pauvres, banlieue épiléptique, traits de viande, tremblements, au centre de la pièce à viande, la soeur, la viande occupe, la viande est viande, viande pauvre, partout, vers à viande

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On a connu le narratif, qui dit le temps, des choses dans le temps, et on a dit c'est l'espace qui compte, contre le temps qu'on arrête, on a plaqué le temps contre le mur, c'était l'instant du déploiement, on était partout international, puis le temps facteur d'ennui et de musique nous a dispersés, casser les fils, briser les formes des villes, seul sur la lignes…

On a plié des tables, des chaises, pour nous faire tenir debout, on a plié l'air devant nous, et les premiers étouffent, les bonbonnes ne suffisent plus, on est resté peu, dans les plis, on n'en sort pas, on suit le fond, rainure opaque et on se reconnaît au toucher, on a plié les nappes blanches, avec les tables, et les serviettes, on s'est aussi couché, ahuri, plus rien ne nous tenait…

On tempère, ne pousse pas le bouchon, relativise, on s’attend à ce que rien ne change, que l’herbe reste verte et que les femmes ne nous regardent pas, on croise la tristesse, tous les jours, les choses ressemblent aux choses, on n’exige rien, on ne critique pas, un jour pousse l’autre, l’écarte, l’ignore, on transige, on s’assagit, parfois on bute sur soi-même, les premiers surpris — lançant alors un programme de reconquête qui dure peu…


[…]